lundi 27 janvier 2014

Toutes ces personnes que je ne verrai bientôt plus

Je marche dans une rue, une de celles dans lesquelles je passe tous les jours. Et soudain je me dis : dans quelques jours, je ne passerai plus là tous les jours. Dans quelques semaines, je ne passerai plus là du tout.

Il y a aussi les lieux touristiques, les endroits à visiter. Tant qu'on est là, on sait qu'on peut y aller le lendemain ou la semaine suivante, et du coup on n'y va pas. Et ça ne nous manque pas. Peu importe, parce que c'est là, si je veux je peux y aller.

Bientôt ce ne sera plus là, et je ne pourrai plus y aller. Mais à vrai dire je m'en fiche. Je suis maintenant intimement liée à cette île, c'est le pays de mon époux, celui de mon fils. Je sais que je reviendrai. Et même si je n'y revenais pas, le problème ne serait pas les lieux. Beaucoup plus les gens.

Port-Louis vu de la Citadelle, mars 2012


Il y a ma belle famille, la famille élargie de mon homme, mes amis, mes collègues. Beaucoup de monde avec qui j'aime passer du temps et qui vont me manquer, évidemment.

Mais il y a aussi les anonymes, ceux qu'on croise régulièrement, qui font partie du paysage, et qu'on a finalement, sans s'en rendre compte, commencé à prendre pour acquis. Ils sont là, j'y suis. C'est banal mais ils font partie de mon quotidien.

Il y a le propriétaire de la boutique sinois où nous achetons notre pain. Et sa maman, une vieille dame courbée toujours assise sur une chaise derrière le comptoir et qui ne comprend jamais du premier coup ce que je lui demande bien que je m'exprime en créole. On se dit à peine bonjour, les grandes formules de politesse ne font pas partie de la coutume. Je demande ma baguette, parfois le journal ou des œufs. De temps en temps, l'homme fait un gentil commentaire sur le Bibou qui grandit, qui parle bien. Il l'a connu tout petit.

Il y a Bhai G., un vieil homme qui vend des gâteaux piment tout près de chez nous, dans sa petite boutique de tôle ondulée, à côté de sa maison. Il nous raconte ses opérations des yeux et sa maison de bois et de tôle qui coule lors des grosses pluies. Il salue toujours le Bibou d'un grand "Coucou !", mais le petit malpoli lui répond rarement et fait le timide. Parfois, Bhai G. lui offre même un petit paquet de chips. Les gâteaux piment de sa femme sont délicieux.

Derniers rayons sur Port-Louis, mars 2012

Il y a le vendeur de journaux à l'angle de deux rues à qui j'ai l'habitude d'acheter l'Express, le matin en allant au travail. Je n'ai plus besoin de lui dire quel titre je vais prendre, il me le donne directement.

Et ce marchand de farathas au food court du bazar, qui vend les meilleurs farathas de Port-Louis, selon moi. Très courtois, presque chaleureux (alors que, comme je le disais, ce n'est pas vraiment dans les manières locales), toujours souriant, quand il me voit il me dit d'emblée : "Enn faratha agneau ?" Il sait que je prends toujours la même chose. Parfois, il me demande si je veux du piment, sans doute pour s'assurer que je n'en prends toujours pas.

Enfin, ce voisin chauffeur de taxi qui nous donne des kilos de mangues lorsque c'est la saison. On se salue d'un petit signe de tête lorsque je passe devant sa cour. Sa femme, décédée l'année dernière, aimait bien le Bibou.

Ces derniers temps, je ne peux m'empêcher de penser que bientôt, ils ne me verront plus. Et de me demander s'ils s'en rendront compte, s'ils repenseront à moi, à nous. Un jour, deux jours, trois jours. Une semaine. Tiens, la jeune femme qui prenait tout le temps un faratha agneau, elle ne vient plus ? Puis le temps va passer et certains d'entre eux vont m'oublier. Mais je ne pense pas que je les oublierai.

dimanche 26 janvier 2014

Paroles de Bibou (10)

Bon, il fallait que je publie ces paroles de Bibou avant qu'elles ne soient trop anciennes ! La dernière date d'il y a deux minutes, la première d'avant Noël.

  • Un peu avant Noël, dans un centre commercial, le Bibou croise le père Noël, qui lui donne un chocolat. Un peu plus loin, un bébé dans les bras de son papa porte un bonnet rouge à fourrure.

    Bibou : Regarde Maman ! Un tout petit papa Noël !

  • En créole, on dit « pétartifice » pour feux d'artifices, mais le Bibou a inventé son propre mot : il dit « foulartifice » ! Ah, et sur notre sapin, nous avions mis des... « guirlampes » !

  • Le Bibou boit un Yop, et je lui demande si je peux en avoir une gorgée. Il me tend alors le pot, mais sans vouloir vraiment le lâcher. Et dès que je me mets à boire (je n'ai pris qu'une gorgée, je le jure ! ;), il lance :

    - Non ! Tout bu pas, tout bu pas !

  • Je suis tranquillement assise à l'ordinateur et le Bibou joue derrière moi. Soudain, je l'entends dire :

    - C'est des bêtises... Y a tout plein de bêtises, là-dedans... J'ai renversé toutes les bêtises.

  • Il était en train de secouer une boîte de poudre fond de teint... et effectivement, il avait tout renversé.

  • Le Bibou va chercher une feuille de papier pour faire un dessin, mais il s'aperçoit qu'elle est déjà remplie :
    - Ah non, y a de la dessine dessus !

samedi 25 janvier 2014

Entre-deux

Nous sommes dans un drôle d'entre-deux, en ce moment. Pas encore partis, plus tout à fait là (dans notre esprit, en tout cas...)

Notre appartement se vide petit à petit. Nous avons déjà vendu nos étagères, le four est réservé, le micro-ondes aussi. Il y a des intéressés pour le frigo et la machine à laver, reste à voir s'ils confirmeront. Ma pile de livre se réduit petit à petit. D'autres choses peinent à trouver preneur.

Portrait d'un singe qui mange une banane à Grand Bassin, Ile Maurice
Lors de notre dernière visite à Grand-Bassin, nous avons eu la chance de voir des singes.

Ça fait drôle de penser que dans moins d'une semaine, nous ne serons plus ici. Nous devrons avoir tout vidé, tout débarrassé. Nous devrons nous être débrouillés pour avoir trié toutes nos affaires, sélectionné ce que nous voulons garder, mis de côté ce que nous allons donner, jeté ce dont on se débarrasse.

Singe avec une banane dans les pattes à Grand Bassin, Ile Maurice
Pendant à peu près mes deux premières années à Maurice,
je n'en avais jamais vu...

Ce tri n'est pas facile à faire. Ce CD, est-ce qu'on va vraiment encore l'écouter ? Ce t-shirt, n'est-il pas de toute façon usé et bientôt trop petit pour le Bibou ? Les verres, est-ce utile de les emmener, avec le risque qu'ils se cassent dans la valise ? Et puis il a le côté sentimental : on est attaché à telle peluche, à une carte reçue pour notre mariage, à tel souvenir... Alors que chaque kilo, presque chaque gramme dans notre valise sera compté. Et parfois, y a des trucs, je n'ai juste aucune idée de ce qu'on peut en faire, comme des anciens chargeurs de portable et des câbles en tout genre dont on ne sait même plus à quoi ils servent.

Singe qui mange une banane à Grand Bassin, Ile Maurice
Et là en janvier, j'ai pu tirer le portrait à celui-là qui mangeait tranquillement sa banane.

On a déjà liquidé une bonne tonne de papier, d'anciennes quittances à des cartes postales en passant par des dessins du Bibou. On a déjà amené toute une cargaison de vêtements dans un quartier pauvre de Port-Louis. Refilé des tas d'habits de bébé à nos copines venues nous rendre visite, pour qu'elles les ramènent en Suisse. Dans un coin, trônent plusieurs cartons : celui des objets à donner à mes beaux-parents, ceux à donner à ma belle-soeur, ceux à laisser à telle tante...

Maman singe avec son petit dans les bras à Grand Bassin, Ile Maurice
Et en septembre, nous avions carrément vu une maman et son petit.

Pas facile de faire tout ça avec un Bibou dans les pattes, qui va invariablement rechercher des jouets dans le carton "A donner" et vouloir nous "aider" à trier (comprenez : mettre un peu de désordre dans nos affaires).

Bref, on est dans un drôle d'entre-deux, plus vraiment là, pas encore partis. Vendredi prochain, nous devons vider les lieux, pour aller passer les quelques jours restants chez mes beaux-parents. Espérons qu'on arrive à faire tout ce qu'il nous reste à faire avant cela...

PS: Des photos de notre appart' en désordre ne seraient guère intéressante, je préfère donc vous montrer les singes de Grand Bassin ;)

lundi 20 janvier 2014

Visites de début d'année : la maison eurêka

Début janvier, une petite parenthèse dans nos préparatifs de départ : la venue de deux amies de Suisse, qui ont passé quelques jours chez nous - et nous ont emmenés ailleurs.

La maison Eurêka, à Moka : notre première visite ensemble
Elles sont arrivées un jour de cyclone ; c'est la pluie et le vent qui les ont accueillies en lieu et place du soleil tropical auquel elles s'attendaient sans doute.

Dans la cour, des fleurs extraordinaires
Après deux jours à la maison, on a enfin pu se risquer un peu plus loin. Il faut dire que le cyclone est passé relativement loin de Maurice (il n'a par contre par épargné la Réunion où il y a eu beaucoup de dégâts et même des blessés).

Il avait encore un joli son ! Quant à savoir s'il était accordé...
Nous avons donc pris le bus jusqu'à Moka pour visiter la maison Eurêka, une vieille bâtisse coloniale gardée quasiment en l'état et que l'on peut visiter comme un musée. Cela faisait longtemps que j'avais envie de la visiter, mais je n'en avais encore jamais eu l'occasion.

Je ne sais pas bien ce que c'est, mais j'ai trouvé ça plutôt photogénique
Il y a normalement une visite guidée, à laquelle nous n'avons pas eu droit, à cause - vraisemblablement - d'un petit malentendu à l'accueil. Mais ce n'était pas si mal ; nous avons pu prendre des photos à notre guise et avons pu toucher ce que nous voulions... du moins certains d'entre nous, moi je n'ose pas !

Du temps où on avait le temps et les moyens de faire des meubles si ouvragés...
Des meubles anciens tous plus beaux les uns que les autres, plus ou moins bien conservés. On a un peu l'impression que chaque chose a été laissée à sa place d'origine, qu'un jour on a simplement arrêté de les utiliser et qu'on n'y a plus touché. Ça change beaucoup du Château de Labourdonnais où tout est si propre et a été rénové, où rien ne traine.

La jeune fille à la colombe
Dehors, le vent soufflait et la pluie tombait, par moments très fort. A l'intérieur, on était bien... Les fenêtres étaient ouvertes sur la varangue, laissant circuler l'air humide et chaud.

Il a testé et il l'affirme, même plusieurs dizaines d'années plus tard, les fauteuils sont toujours confortables.
La maison, construite par un certain M. Carr, a ensuite appartenu à la famille Leclézio - si si, vous savez, l'écrivain.

On se croirait en un après-midi pluvieux de la fin du XIXe siècle, non ?
L'un des fils du premier Leclézio, Henry, a eu avec son épouse Genny pas moins de 17 enfants. J'ai de la peine à imaginer à quoi pouvait ressembler la vie de cette femme qui a dû passer la majeure partie de sa vie enceinte. Pour s'occuper de ses enfants et de la maison, elle avait par contre droit à l'aide de plusieurs dizaines de serviteurs.

Dans la salle à manger, la table était mise. Elle était très grande, mais je me demande tout de même
si les dix-neuf membres de la famille pouvaient prendre leur repas tous ensemble.
Quand la dernière tante à avoir hérité de la maison, Simone Leclézio, est décédée en 1980, 104 héritiers se sont présentés pour la succession... Tu m'étonnes, avec des familles aussi nombreuses ! La maison a ainsi finalement été vendue, et appartient aujourd'hui à Jacques de Maroussem.

La varangue sert désormais de restaurant... nous n'avons pour notre part goûté que leurs brownies et leur jus de fruits.
La visite de la maison se poursuit au jardin. On peut normalement se rendre jusqu'à des cascades au fond d'une gorge, mais vu le temps et les terrains détrempés ce jour-là, ce n'était guère possible.

Les volets de bois centenaires battaient au vent et les meubles de rotin prenaient l'eau sur la varangue de derrière.
Nous avons donc simplement erré dans le grand parc qui entoure la maison, entre pelouse bien entretenue et bosquets d'arbres.

La végétation reprend-elle le dessus ?
Dans un coin du parc, se dresse une petite bâtisse devant laquelle s'étend une piscine pavée de superbes pierres bleues...

Sploutch !
...dans laquelle s'égayaient des dizaines de petites grenouilles (crapauds ? Disons batraciens pour être plus sûrs, comme l'a suggéré une commentatrice la dernière fois).

Coâââ !
Une belle découverte que cette maison, et une visite à conseiller.

vendredi 17 janvier 2014

Navires dans le ciel

Nous sommes sur une langue de terre herbue qui s'élance sur la mer. Plusieurs personnes sont là, certaines se baignent.

Soudain, alors que je regarde le ciel, je vois passer un voilier fantomatique, grisâtre, qui flotte dans les airs.

Je m'écrie : C'est le Pearl Black ! On se moque de moi, on me dit que son nom est le Black Pearl.

Je veux le prendre en photo, cherche mon appareil. Mais j'ai beau fixer le ciel, je ne vois que le soleil qui m'éblouit. Pas moyen de revoir ce navire, encore moins de le prendre en photo, il n'y a que le soleil qui me brûle la rétine.

Soudain, j'arrive à apercevoir un coin de ciel bleu. Et là, je suis prise d'un vertige. Le ciel est une vaste étendue d'eau sur laquelle voguent des centaines, des milliers de petits bateaux. Nous sommes hauts dans le ciel et en levant la tête, nous regardons vers le bas, la mer infinie où naviguent une multitude de petites embarcations. J'ai peur de tomber, mais ce sentiment est exaltant, j'aimerais pouvoir le retenir.

Je ne me suis pas réveillée tout de suite, j'ai continué à rêver encore quelques instants. Mais au réveil, c'est ce vertige qui est resté, qui semble encore si réel maintenant...


mercredi 15 janvier 2014

« Une » chose oubliée

A force d'avoir des tas de choses dans la tête (des excursions, des meubles à vendre, des cours à préparer, un visa à obtenir), j'ai fini par en oublier une. La photo du mois et son thème, en janvier : « Un ».

C'est donc bien après midi, heure de Paris, que je vous propose ma photo. Celle d'un oiseau, un paille-en-queue, qui d'habitude vole si haut dans le ciel, et si vite, que je n'arrive pas à le figer sur une photo.

L'autre jour, j'ai eu de la chance ! Il volait et virevoltait juste au-dessus de moi. Un paille-en-queue, toujours le même, qui venait et revenait vers le bateau sur lequel nous nous trouvions. Alors oui, il s'apprête à sortir du cadre, et oui, il est légèrement flou, mais peut-être qu'on peut le prendre de manière symbolique : je m'apprête à m'en aller, et il reste encore plusieurs incertitudes, à un mois du départ...



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