mercredi 28 juillet 2021

Voyage au royaume de Logres

Depuis une semaine et demie, pas d'enfants dont m'occuper (ils sont chez leur papa). Ça m'a fait bizarre, au début, de me retrouver toute seule et de savoir que ce serait pour une si longue période, trois semaines en tout. N'empêche, c'est quand même drôlement reposant. Et même si je travaille un petit peu (j'ai été engagée pour donner deux cours de français, un bon début !), et que je dois continuer à éplucher les offres d'emploi, ça me laisse quand même beaucoup de liberté. Du genre de celle qu'on oublie quand on a ses enfants, tout le temps, et qu'on est seule pour s'en occuper.

Ça m'a entre autre permis de décider sur un coup de tête d'aller au cinéma avec ma sœur, mercredi passé - voir un film que j'avais de toute façon prévu d'aller voir plus tard : Kaamelott ! Il faut dire que ce film, ça faisait un moment qu'on l'attendait, 12 ans depuis que la dernière saison a été diffusée. A l'époque où la série passait sur M6, c'était une véritable tradition familiale. L'une de nous allait toujours se poster devant la télé, et dès que ça commençait, elle criait "Kaameloooooott !" pour faire rappliquer tous les autres. On doit bien connaitre la moitié des répliques par cœur, et on se les balance encore régulièrement dans les conversations.

J'ai beaucoup apprécié le film. A tel point que j'y suis retournée le samedi avec mes parents et le lundi suivant, seule (Je n'ai jamais dit que j'étais complètement saine d'esprit !). Certes, le film a des défauts, mais c'était tellement bien de retrouver Perceval, Karadoc et les autres - un peu comme retrouver une vieille bande de potes plus vus depuis longtemps. J'ai ri et j'ai été émue, pour moi, c'était le mélange parfait. Et Arthur, nom d'une pipe, qu'est-ce qu'il est beau là-dedans ! (Pardon, je n'ai pas trop l'habitude de laisser mon côté guimauve éclater ici, comme ça).

Du coup, c'est ce qui a inspiré le thème du mois d'août dans mon bullet journal : le médaillon d'Arthur, les pierres d'un château et l'épée Excalibur - inspirée de la couverture de ce livre. J'ai dessiné cela tout en regardant (ou écoutant) les premières saisons de la série, car le film a (évidemment) réveillé mon côté obsessionnel et passionné, et que j'ai eu envie de tout re-re-regarder. Ah, et d'ailleurs, il n'est pas impossible qu'on me croise à nouveau au cinéma dans les prochaines semaines.

dimanche 18 juillet 2021

J'ai des tas de blessures

J'ai des tas de blessures, anciennes ou plus récentes, qui en ce moment semblent se raviver un peu toutes en même temps. Ça prend la forme de pensées qui tournent et retournent dans ma tête, qui font comme des boules dans mon ventre et des nœuds dans ma gorge. Ce sont de tout petits maux qui à force de revenir, à force de résonner en boucle, deviennent lourds, pénibles, angoissants. Ça pèse, ça fait mal, ça me prend mon énergie. Il y a des douleurs et il y a des colères, il y a des sentiments d'injustice, de culpabilité, des non-dits.

Parmi les plus récentes, il y a monsieur le juge qui me demande si je veux vraiment que les enfants aillent chez leur père trois week-ends sur quatre, parce que quand même, c'est sympa d'avoir aussi des week-ends avec ses enfants. Je n'ai rien su dire sur le moment, à part "oui, je suis sûre", mais cela revient encore et encore dans ma tête accompagné de tout ce que j'aurais voulu exprimer : qu'en fait j'aurais voulu une garde partagée, une semaine sur deux, si le papa n'était pas allé vivre dans une autre ville, que trois week-ends par mois c'est le minimum qu'il puisse faire, que toute la charge mentale était déjà sur moi, les courses d'école, les rendez-vous chez le médecin, les soirs de semaine où je vis l'enfer en essayant de les coucher pas trop tard, les chaussures à racheter quand les anciennes sont défoncées, les K-ways perdus à tenter de retrouver, les repas à préparer qui ne conviennent jamais, que j'aime beaucoup mes enfants mais que passer du temps avec eux est rarement une sinécure, et d'abord, monsieur le juge, pourquoi vous ne demandez pas plutôt au papa s'il n'aimerait pas les avoir un peu plus souvent ?

Ça tourne et retourne dans ma tête, ça me brûle la gorge, la poitrine, ça fait une boule de colère dans mon ventre qui pourrait me faire éclater.

Une blessure plus ancienne, oh à peine une égratignure (enfin ça devrait) : on est en 2015, ça fait un peu plus d'une année qu'on est en Suisse, on a enfin notre propre appartement, et ma belle-soeur vient passer quelques semaines chez nous avec son mari et sa fille. On leur prépare une chambre d'amis, on se procure un lit, on achète deux ou trois choses pour qu'ils soient confortables. Ma maman, voyant ça, me lance un jour que quand elle et mon père venaient nous rendre visite à l'Ile Maurice, on ne les recevait pas de cette manière, qu'on ne prenait pas tant de soin à préparer leur venue. Eh bien Maman, c'est tout simplement parce qu'à Maurice on n'avait rien, vraiment rien. Acheter un lit aurait coûté plus que mon salaire mensuel, et là-bas, on ne trouve pas ce genre de choses d'occasion, parce que les gens ne changent pas de mobilier sur un coup de tête - au contraire, quand enfin ils changent quelque chose de cassé (un canapé, un frigo), ils le paient par mensualités sur un an ou deux. C'est aussi parce que je me tuais au travail, du lundi au samedi, que je préparais mes cours jusqu'à minuit alors que mon bébé se réveillait encore trois fois par nuit, alors il ne restait pas beaucoup de temps pour le reste. Et puis quand vous veniez à Maurice, on attendait votre venue comme un enfant attend son dessert, avec l'espoir d'avoir enfin droit à quelque douceur, une sortie au restaurant que vous auriez pu nous offrir, une visite culturelle, une balade en voiture vers des coins reculés, toutes ces choses qui nous étaient interdits en temps normal parce que nous n'avions pas de voiture, pas d'argent pour nous offrir plus qu'un McDo ou des mines frire. Alors que quand ma belle-soeur est venue nous rendre visite ici, c'est nous qui avions quelque chose à prouver, nous qui nous devions de leur offrir ce qu'ils n'avaient pas l'occasion de faire chez eux, un petit séjour en camping, des sorties, une chambre d'amis un peu jolie, un peu confortable.

Cette remarque, cette toute petite remarque, prononcée il y a six ans, revient de temps en temps me blesser, elle revient souvent ces derniers temps, je ne sais pas pourquoi. Elle tourne et tourne dans ma tête et m'égratigne le cœur.

Je pourrais continuer, je devrais peut-être le faire d'ailleurs, peut-être pas ici mais dans un cahier, quelque part. Je trouverais sûrement des motifs récurrents, je crois en voir un d'ailleurs, il s'agit souvent des moments où je n'ai pas su dire ma colère, ma tristesse, ou ma déception, où je n'ai pas sur m'expliquer, trouver les mots. Je crois que je m'améliore un peu dans ce domaine, j'apprends petit à petit à savoir ce que je veux, à le réclamer, à m'exprimer quand on me blesse, quand on me fait du tort. Je m'améliore mais ça reste très, très dur, car je crois que je n'ai jamais appris à communiquer comme il fallait, et surtout que j'ai toujours appris à faire passer les autres, leurs désirs et leurs besoins avant les miens.

J'ai des tas de blessures. Invisibles mais à la douleur lancinante. Je dirais bien que je les soigne, mais la vérité c'est que je n'ai aucune idée de la marche à suivre, ni de comment faire pour éviter que les petits événements de la vie ne continuent à me cabosser...

mardi 13 juillet 2021

Ingratitude

Midi : je fais plaisir aux enfants en les emmenant manger dans un restaurant qui offre un énorme buffet asiatique à volonté. Ils dévorent beignets de crevettes, makis, nouilles sautées, et surtout les fortune cookies dont ils rêvaient depuis des lustres après les avoir découverts dans leurs épisodes de Ninjago et dans une BD de Nelson.

18 heures : le P'tit Loup me demande ce qu'on mange. Je réponds que je vais faire des pâtes au fromage, et qu'il reste un peu de pesto. Il se met à hurler et à se plaindre qu'il ne peut jamais rien avoir de bon à manger.

Ça me donne envie de pleurer, de crier, de donner des coups de poing dans un mur. Ça me rend si triste, cette ingratitude, cette putain de manière qu'il a de réagir à tout ce qui lui déplait par des cris, que je pourrais aller me coucher dans mon lit et ne plus émerger jusqu'au lendemain. Si seulement je pouvais...

lundi 12 juillet 2021

Faire des mots-croisés ou conduire, il faut choisir

Un dimanche d'été, pique-nique en famille. On fait des grillades et c'est un plaisir de discuter avec toutes les personnes présentes... toutes, sauf une ! Un irréductible qui s'entête, année après année, à répéter ses "blagues" et remarques de sexisme ordinaire.

Ma tasse de café dans une main, je me dirige vers le bocal contenant les morceaux de sucre pour en prendre un. De ma main libre, j'ouvre le bocal et Monsieur X, assis à côté, me demande s'il peut m'aider.

- Ça va, j'ai réussi, merci.

- Ah, donc les femmes arrivent à faire deux choses en même temps !

A ce moment, je sens l'exaspération monter mais n'en laisse rien paraître. Tout en me servant de crème, je réponds calmement :

- Homme ou femme, ce n'était pas très compliqué.

Il se marre, et continue :

- Non, mais une fois ma femme avait sa mère au téléphone, et était en train de cuire des côtelettes. Les côtelettes ont été brûlées, alors j'en ai conclu qu'une femme n'arrivait pas à faire deux choses en même temps.

- Tu sais, je pense que ça dépend surtout de la tâche, et pas tellement du genre. Faire des mots-croisés en conduisant, c'est plutôt compliqué, mais écouter la radio en faisant à manger, ça reste possible.

J'allais m'en aller, mais j'ai encore ajouté en le regardant droit dans les yeux :

- Je sais que tu aimes bien ce genre de remarques sur les hommes et les femmes, mais personnellement ça a plutôt tendance à m'énerver, alors il vaudrait mieux éviter. C'est plus très 2021 de dire ce genre de conneries.

Ça fait combien de temps qu'on se connaît, quinze ans, vingt ? Et probablement aussi longtemps que cet homme de 15 ans mon aîné trouve une occasion quasiment à chaque réunion de famille de me mettre mal à l'aise - ou en colère - avec ce genre de remarques stupides. 20 ans que je ne sais pas quoi répondre.... jusqu'à hier.

La prochaine fois, je lui demanderai si c'est parce qu'il se sent à ce point insécure dans sa masculinité qu'il a besoin de rabaisser comme ça périodiquement l'autre sexe pour se rassurer. Ou alors, je lui demanderai pourquoi il me dit ça : pour plaisanter, ou juste pour m'emmerder ? Et avant qu'il ne puisse répondre, j'ajouterai :

- Si c'est pour plaisanter, clairement, je vais te demander d'aller faire ta blague à quelqu'un d'autre, parce que moi elle ne me fait pas rire. Et si c'est pour m'emmerder : est-ce que tu peux grandir un peu ? On dirait mes gamins lorsque l'un des deux agace son frère, puis semble tout étonné de le voir réagir...

Quelques minutes après notre interaction, je l'ai entendu raconter notre accrochage à d'autres mâles avec qui il était en train de fumer un cigare. Ça m'a d'abord un peu agacée, puis je me suis rendu compte que s'il en parlait, c'est que ça lui était resté en travers de la gorge... et que j'avais donc atteint mon but.