Mal élevé

Il y en avait sûrement un dans votre école, en primaire : un gamin insupportable qui n'écoutait rien de ce que disaient les maîtresses et exaspérait tout le monde. Ou alors, vous l'avez croisé à la place de jeux; il faisait des croche-pieds aux autres enfants ou piquait leur seau dans le bac à sable.

Eh bien cet enfant si insupportable, c'est mon fils.
Mon P'tit Loup de 4 ans et demi.

A l'école, ses maîtresses ont toutes les peines du monde à le faire tenir en place. Elles sont constamment en train de lui demander de se taire, de se calmer, d'arrêter d'embêter les autres enfants.

Mon fils est un petit garçon merveilleux, son sourire ferait fondre un iceberg. Il est très câlin, il nous fait des milliers de bisous tous les jours. Il fait de magnifiques dessins. Le dernier en date : une princesse pour l'anniversaire de sa cousine, « parce que je suis sûre qu'elle adore les princesses ! »  Il adore son grand frère, son idole - à lui aussi il fait plein de câlins, enfin quand le grand se laisse faire. A quatre ans et demi, il commence à déchiffrer quelques mots, a déjà compris comment chantent la plupart des lettres. Il a une très bonne mémoire et se souvient où il a laissé ses jouets, son bonnet, sa gourde - contrairement à son frère (et à moi, mais chut !) qui oublie toujours tout. Il sait déjà (presque) faire du vélo sans les petites roues.

Il est formidable, mais il est épuisant. Il ne sait pas tenir en place, il ne fait pas ce qu'on lui demande, il touche à tout, il ne tient pas à table pendant tout un repas, jamais. Il se promène dans la chambre pendant l'histoire du soir et ne peut pas s'empêcher de me parler pendant que je lui brosse les dents. Il pleurniche qu'il est "trop fatigué" dès qu'on lui demande de ranger ses jouets, mais se met à hurler quand on lui suggère une sieste. Quand il était plus petit, surtout, il adorait appuyer sur tous les boutons : un jour, il a carrément éteint le frigo des boissons dans un kiosque en appuyant sur "off". Il a déjà plusieurs fois appuyé sur la sonnette d'inconnus.


Ce n'est pas vraiment de sa faute, il n'arrive juste pas à se retenir. C'est plus fort que lui : il aimerait bien ne pas se faire gronder tous les jours à l'école, mais il n'y arrive pas. On soupçonne fortement de l'hyperactivité, et on en aura enfin bientôt la confirmation, je pense...

Bien sûr, il a déjà été catalogué par tout le monde comme "celui qui n'écoute rien", "celui qui n'obéit pas". Même par les autres enfants. En février, j'avais accompagné les enfants de l'école en journée de ski. J'ai demandé à deux garçons s'ils étaient des amis de mon fils, et l'un des deux m'a répondu en riant : "Oh non, il fait beaucoup trop de bêtises, lui !" Mon petit cœur de maman s'est serré.

Il s'est aussi serré à la rencontre avec ses maîtresses. Elles se sont tout de suite mises à me parler de ce qui n’allait pas : il ne tient pas en place, embête les autres pendant regroupement, fait des croche-pieds aux enfants au vestiaire, elles doivent l'isoler pour qu'il fasse ses bricolages ou ses peintures, sinon, impossible pour lui de se concentrer.

Elles m’ont parlé des points négatifs avant d’évoquer le reste, mais ce jour-là, quand j’ai raconté cette rencontre à mon P’tit Loup, en allant le chercher au parascolaire, j’ai tenu à présenter les choses autrement :

- Tu sais ce qu’elles m’ont dit, tes maîtresses ? Elles m’ont dit que tu étais un petit garçon très intelligent, qui comprenait tout très rapidement.

Il a eu l’air surpris et il a sourit, le regard un peu ailleurs comme s’il n’y croyait pas vraiment. Pourtant, c’était vrai. Elles m’ont vraiment dit ça, une fois qu’elles ont eu fini de lister tout ce qui clochait et de me demander quand est-ce qu’on aurait enfin un bilan.

Ensuite, j’ai quand même ajouté qu’elles m’avaient dit aussi qu’il avait du mal à rester tranquille, et qu’il dérangeait ses camarades. Et c’est là que son grand frère a pris les choses en mains :

Grand Loup : Tu veux que je t’apprenne à ne pas faire de bêtises ?

P’tit Loup : Ben… oui.

Grand Loup : Alors, tu prends une feuille, et sur la moitié de la feuille, tu te dessines en train de faire une bêtise. En bas, tu dessines une croix pour dire qu’il ne faut pas le faire. Et sur l’autre moitié de la feuille, tu te dessines quand tu ne fais pas de bêtises. Et tu fais un vu, pour dire que c’est bien.

De retour à la maison ce soir-là, je suis tout de suite allée préparer le repas, et quand je suis sortie de la cuisine, Grand Loup était en train de faire ses devoirs (sans que je ne le lui aie demandé !) et P’tit Loup terminait son dessin, assis à table et sage comme une image.

Mon fils est épuisant, mais il est formidable.