mardi 29 octobre 2019

Je me souviens... A l'atelier (5)

Quand j'étais enfant, ma meilleure amie était aussi ma petite cousine (la fille de la cousine de mon père), qui par hasard habitait dans le même village que moi. J'allais souvent jouer chez elle, ou elle chez moi. Je me souviens d'ailleurs encore de son numéro de téléphone, le tout premier que j'aie appris, et que je récitais chiffre par chiffre : « 5 - 1 - 4 - 4 - 6... »

On passait aussi beaucoup de temps dehors, dans le village. On aimait entre autres beaucoup aller  « à l'atelier » jouer « aux escargots » sur « le char ». L'atelier, c'était de celui de son père, mécanicien sur machines agricoles. Derrière le grand hangar de tôle ondulée, se trouvait un petit terrain vague, et sur celui-ci un ancien char en bois, immobilisé depuis longtemps au milieu des herbes folles. Sur le char, il y avait quelques briques, et avec elles, on fabriquait de petites cages pour les escargots qu'on trouvait dans les buissons alentour. On les garnissait d'herbe, de dandelions, de petits cailloux, de bouts de bois, et on y installait les petites bêtes à coquilles jaunes, blanches ou roses. Les roses étaient biens sûr nos préférés, d'autant qu'ils étaient plus rares que les autres. On les regardait ramper sur les feuilles et sur nos mains, peut-être qu'on leur donnait des noms, je n'en suis plus très sûre. On pouvait y passer des heures.



Quand on partait, on prenait soin de bien refermer nos petites maisons, en posant des briques sur le dessus pour éviter que les escargots ne s'échappent. Et quand on revenait, il fallait prendre garde à les soulever délicatement et à les retourner avant de les poser sur les planches du char, car on risquait sinon d'écraser les escargots collés dessus. Je me souviens qu'une fois, j'avais écrasé comme ça un des jolis roses, et que j'avais été très triste.

Il y avait aussi un pneu, suspendu à la branche d'un arbre par une longue corde, sur lequel on aimait se balancer. Un petit ruisseau qu'on allait explorer à pieds nus, y ramasser de la terre glaise qu'on pouvait modeler. Pendant une période, sur un terrain tout près de là, il y a avait des gros tas de cailloux (entreposés là pour une construction ?) qu'on escaladait et dans lesquels on trouvait des merveilles, de petits cristaux de roches - on était persuadées que ça valait une fortune. Parfois, on allait aussi jouer près (et sur, et dans) des piles de vieux pneus de tracteurs : on les escaladait et on redescendait à l'intérieur. Maintenant, je mourrais de peur si mes enfants faisaient ça - et je suppose que mes parents seraient morts de peur s'ils avaient su que je le faisais.



Je me souviens aussi d'avoir déterré des carottes dans le potager de la grand-mère de ma copine-cousine, qui se trouvait juste derrière les tas de pneus. Les meilleures carottes que j'aie jamais mangées, la terre à peine essuyée.

Quand j'y repense, je me dis que j'ai vraiment eu de la chance d'avoir une enfance comme celle-là, très libre, insouciante, à l'extérieur... Je prenais mon vélo et j'allais retrouver ma meilleure copine. On passait notre après-midi à l'atelier, sur notre char, c'était si simple que ça. La vie de mes garçons est très, très différente - et pourtant, on vit toujours dans un petit village. Ils pourraient aussi prendre leur vélo et aller à la forêt, dans les champs, quelque part... mais ils ne le font pas, parce que ça ne se fait pas, parce que ça ne se fait plus. Parce qu'on n'a pas le temps, ou je ne sais pas... Parce qu'ils préfèrent jouer sur leur console... qu'on n'est pas là, que les autres enfants ne font pas ça. Peut-être qu'on les protège trop, qu'on leur montre le mauvais exemple avec nos natels et mon ordinateur. Peut-être juste que les temps ont changé. Mais parfois, ça me rend un peu triste d'y penser.





Vous aussi, racontez-moi un souvenir d'enfance, en commentaire ou sur votre blog, avec un lien vers celui-ci. Je poste chaque mardi un nouveau petit souvenir d'enfance, amusant, beau ou triste.
 

12 commentaires:

  1. Dans mon village, les enfants se retrouvent souvent dehors, sur la place de jeux. Parfois, je les croise sur leur vélo au milieu des vignes mais c'est rare. Je suppose que leurs parents préfèrent les savoir tout près d'eux.

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    1. A la place de jeux, oui, mais ce n'est pas un terrain vague ou une forêt… quoi que déjà pas mal. On a sûrement davantage peur de ce qui pourrait arriver, et aussi peut-être de ce que les autres pourraient dire.

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  2. Parfois je dis à mes fils "Allez jouer dehors!" (il y a un parc juste derrière la maison), ils sortent en rouspétant (l'ordinateur est toujours plus intéressant), des fois ils prennent leurs vélos, s'amusent pendant 1 heure et reviennent à la maison... Rien à voir avec les heures et les heures que je passais à l'extérieur quand j'étais enfant.

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    1. C'est un peu pareil ici ! Et j'avoue que j'ai un peu de mal à laisser mon petit sortir tout seul (même à la place de jeux qui est à 50 mètres de chez nous). Parfois, c'est moi qui les emmène en forêt, et là on peut y passer pas mal de temps - jusqu'à-ce qu'ils se souviennent de leur Switch bien-aimée.

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  3. En triant des vieilles photos chez ma mère quand elle a quitté son appartement, je suis tombée sur une photo de nous quatre, les enfants, en train de jouer... au milieu du chantier des immeubles qui étaient en train d'être construits à côté de chez nous! Il n'y avait pas de barrière, rien qui nous empêchait d'aller tout visiter et de jouer au milieu de tout ça! Ca m'a super surpris, parce qu'évidement, ce n'est pas quelque chose qu'on pourrait faire aujourd'hui!

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    1. J'ai aussi déjà joué sur des chantiers, escaladé des camionnettes garées, grimpé sur des échafaudages (ceux de la maison des voisins en construction). C'est vrai que ça doit être plus difficile maintenant, et surtout je ne peux pas imaginer que des parents laissent leurs enfants le faire (moi, c'était toujours en cachette ;)

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  4. J'ai beaucoup joué dehors en toute liberté aussi quand j'étais en dehors de la ville, dans la maison de bord de mer. Je regrette que socialement, ça soit devenu inacceptable de laisser les enfants sans surveillance. Il me semble qu'on a peur de tout... (oui, on dirait une vieille conne qui parle, j'assume!)

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    1. C'est vrai que c'est dommage… Je dois être une vieille conne aussi, parce que j'aurais pu écrire la même phrase ;) (Team "c'était mieux, avant" et "de mon temps…" ;) ;) ;)

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  5. Quand je pense à ce qu'on faisait, ça me fait effectivement un peu flipper pour mon fils ^^''

    Quand on allait fouiller dans les bennes de chantier qui étaient dans le trou des futurs garages pour trouver des trucs cools (de la gomme d'architecte, mec !), ou qu'on rampait dans les tuyaux sous la route cantonale pour aller dans la forêt, sans parler de ce qu'on faisait quand les parents étaient à une séance de parents :')

    J'ai aussi pleins de jolis souvenirs du char et des escargots et de la terre glaise du ruisseau, quand vous me laissiez vous accompagner ;)

    C'est vrai qu'on était beaucoup dehors, mais je me souviens aussi des heures qu'on a passées sur notre Super Nintendo, des milliers de séries qu'on a regardées avachies devant la télé, de Sarah qui m'appelait "Petite Game Girl" parce que je ne décollais pas de mon Game Boy aux réunions de famille... Donc bon, on n'était pas tout le temps dehors non plus :)

    L'autre jour en me promenant en forêt, je suis tombée sur un groupe de filles d'une dizaine d'année qui construisaient des cabanes et grimpaient dans les arbres, tout n'est pas perdu ;)

    Et pour tes enfants, tu peux aussi regarder les activités du Repaire (https://lerepaire.ch), ils ont pleins d'activités cool et c'est dehors par tous les temps.

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    1. Oh la la, oui on en a fait des trucs ! Avec P., on allait aussi allumer des feux près de notre cabane... heureusement, on n'a jamais mis le feu à la forêt ;)

      Effectivement, on a passé pas mal d'heures devant la Nintendo aussi, mais j'ai quand même l'impression que c'était un peu moins obsessionnel que ça ne l'est pour mes enfants en ce moment.

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  6. Merci pour ce joli partage. Effectivement, ce sont les souvenirs de ce genre qui rendent nostalgiques de toute une époque. Je crois que je ferai tout pour que mes enfants vivent aussi ce genres de moments (bon... en sécurité, je suis trop stressée et comme toi, j'aurais trop peur qu'ils prennent des risques ahah). Je ne sais pas si je réussirai à les protéger des écrans, mais j'essaierai le plus longtemps possibles. :) Et puis sait-on jamais.. Peut-être qu'un jour ça reviendra, parce que les familles en ressentiront trop le besoin. Ce serait chouette !

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    1. Quand notre aîné était tout petit, on n'avait pas encore de smartphone, ni de tablette. On habitait à l'Ile Maurice et à la télé on n'avait que trois chaînes qui diffusaient des âneries en boucle. On avait internet sur nos ordis, mais avec une connexion tellement lente qu'une vidéo de 3 minutes en prenait 10 à se charger. Et donc... c'était assez facile de lui éviter les écrans ;)

      Pour le deuxième, qui est né en Suisse, avec un grand frère qui depuis avait découvert les joies de Youtube (L'âne Trotro et compagnie), ça a été beaucoup plus difficile !

      Mais on passe aussi de bons moments en famille à l'extérieur, on fait des balades... tout n'est pas perdu ;)

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