mardi 1 septembre 2020

Quand blesser est un art

*Cette personne* est douée pour le reproche. Le reproche un peu justifié comme celui qu'elle formule juste pour faire oublier ses propres manquements, ses propres erreurs, ses propres échecs.

*Cette personne* est habile pour taper là où ça fait mal, pour raviver une blessure qu'on croyait cicatrisée, pour tourner et retourner le couteau dans la plaie. Elle a les mots pour te faire te sentir tout petit, des mots qui tourbillonnent ensuite dans ta tête et engendrent une lutte violente entre ta raison, qui sait que *cette personne* a tort, et ton cœur, qui hurle de douleur.

*Cette personne* n'hésite pas à affirmer des choses injustes, des choses invraisemblables. Elle sait aussi, par quelque tour de passe-passe, retourner une situation pour se faire passer pour la victime, et toi pour le bourreau. Après t'avoir ensevelie de remarques négatives, elle t'observe sortir tes griffes, t'écoute exposer tes griefs, toi acculée, dos au mur. Puis *cette personne* t'accuse d'être tout le temps en train de lui faire des reproches, et de ne pas voir tout ce qu'elle fait de bien.

 


*Cette personne* aime compter. Tenir des comptes d'épicier pour à peu près tout, les centimes dépensés, mais surtout les efforts investis, l'énergie mise à faire ceci ou cela, le temps dépensé dans telle ou telle activité. Oui, *cette personne* compte. Avec un compte un peu plus généreux quand il s'agit de ses propres efforts, de sa propre énergie. L'énergie des autres, c'est sûr, vaut moins que la sienne.

*Cette personne* aime se bagarrer. Pas se battre pour obtenir quelque chose de précis ou pour faire avancer les choses, non, se bagarrer pour le geste, parce que ça lui permet de te faire porter le chapeau pour ses propres échecs, parce que c'est la seule chose qu'elle connaisse. La meilleure défense de *cette personne*, c'est l'attaque.

Et puis, quand elle est fatiguée de se bagarrer, *cette personne* veut qu'on l'admire, qu'on la flatte. Parce que *cette personne*, au fond, c'est une toute petite personne qui manque de confiance en elle, qui a un besoin terrible et inassouvible d'attention, de tendresse, de reconnaissance. Elle cherche à obtenir des autres ce sentiment de sécurité qu'on ne peut réellement recevoir que de soi-même - cette certitude d'être plein et entier qu'on doit découvrir au fond de soi. Toi, tu ne peux pas lui donner tout ça, mais elle ne le comprend pas, alors elle insiste, elle cherche, elle tape, elle griffe, elle attaque en espérant obtenir comme ça ce qu'elle désire plus que tout.



J'ai eu mal au ventre en traçant le premier jet de cet article dans un cahier, et j'ai à nouveau mal au ventre en le transcrivant ici. Quand blesser est un art... induit par la souffrance... Jusqu'à quand peut-on expliquer, légitimer, pardonner des actes, des paroles, ou l'absence d'actes ? *Cette personne* souffre, mais elle fait aussi beaucoup souffrir. Je lui souhaite de trouver un jour cette précieuse force qui est en elle et qui lui permettra enfin d'avancer... Mais je me dois de me protéger, refermer mes blessures et l'empêcher d'en ouvrir d'autres.

20 commentaires:

  1. Oh ! Tu parles là d'une véritable personne toxique ! j'ai connu ça il y a deux ans avec une collègue ! je suis contente de lire tes derniers mots, oui, tu dois te protéger et l'empêcher de te nuire à nouveau et surtout de te blesser. Il faut fuir ce genre de personne et surtout ne pas croire qu'elle puisse changer.

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    1. En l'occurrence, j'espère que cette personne-là arrivera à changer. Je pense d'ailleurs qu'elle y arrivera, car elle a pris conscience de beaucoup de choses.

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  2. Je n'ai carrément plus de patience avec les gens toxiques et dans ces cas-là, je coupe les ponts. Heureusement, il n'y en a pas tant que ça, mais ils sont incurables. Faut se tenir à distance et se protéger parce que c'est *vraiment* un cas où c'est pas toi le problème, mais eux.

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    1. Suivant de qui il s'agit, ce n'est pas toujours facile ou même possible de couper les ponts... Cela dit, c'est sûrement le bon réflexe pour se protéger.

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  3. Chaque fois que *cette personne* passe à l'attaque, essaie de te souvenir que la personne qu'elle vise ce n'est pas toi. C'est toi qui est présente et qui prend mais tu pourrais être n'importe qui d'autre, le résultat serait probablement le même. *Cette personne* est en souffrance et elle attaque pour oublier son ressenti. Plus on réagit, plus on donne de la force à *cette personne* et je sais que c'est difficile de ne pas réagir. Je pense fort à toi. Bisous.

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    1. Merci pour ces mots très justes. La carapace est érigée depuis longtemps, lisse comme les plumes d'un canard pour laisser l'eau glisser... Mais ce n'est pas toujours évident. Et puis du coup, on empêche aussi les bonnes choses de venir, peut-être.

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  4. Quel beau et courageux texte. Vous soulignez avec beaucoup de tendresse les difficultés que ces deux personnes rencontrent dans leur relation. L'une n'est pas plus mauvaise que l'autre. Mais simplement ce qui s'est installé dans la relation vous fait tous les deux souffrir et pour vous protéger vous avez besoin de mettre de la distance.

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    1. Merci pour ces mots. Ce texte n'a pas été facile à écrire...

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  5. La 'déstabilisation' de l'autre est très courante; de façon plus subtile ou agressive. Comment réagir quand on est la cible ? Fuir une personne qui se décharge sur l'autre de son "mal être" ? Si c'est possible. Rendre la monnaie de sa pièce ? Une lutte sans fin. Faire la sourde oreille et vivre sa vie sans prêter attention ; est-ce possible?

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    1. Rendre la monnaie de sa pièce ne fonctionne pas très bien, du moins il ne me semble pas... au risque d'une escalade de la violence. C'est très dur de savoir quoi faire, surtout quand on ne peut pas si facilement prendre de la distance avec la personne en cause.

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  6. Bonsoir madame
    Courage pour tout ce que vous faites pour que votre vie évolue.
    Parfois on n'a pas le choix que d'être avec des personnes nocives. Écrire comme vous le faites si bien et parler peut aider à une évolution plus positive en tout cas pour vous positionner vous et pour au lieu de surenchérir vous protéger et adopter une attitude contraire à celle recherchée par l'autre.
    Je prie pour vous.
    Continuez à nous illuminer par vos écrits.
    Vous avez de beaux enfants.
    Belle soirée A-C

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    1. Merci beaucoup pour ces gentils mots ! Je fais ce que je peux pour aller de l'avant... et ne pas entrer dans le jeu de la manipulation.

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  7. Ce texte a été difficile à écrire, dites-vous, ce n'est pas étonnant vu le sujet et votre proximité avec *cette personne*. Je le trouve bien écrit, clair, mesuré, tout en retenue, merci de ça. Oui, *cette personne* souffre : sa souffrance ne l'autorise pas à faire du mal à qui que ce soit. Personne n'ira mieux, ne se 'sauvera' en faisant du mal. Vous avez raison de vous protéger, personne ne peut le faire à votre place.
    J'envoie des pensées de soutien, réconfort, celles dont vous avez besoin.

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    1. C'est vrai, ce n'est pas parce qu'on souffre soi-même qu'on a le droit de faire souffrir les autres...

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  8. Cela doit être bien compliqué pour vous de devoir être constamment sur le qui vive , qu'elle fatigue vous devez avoir ! Parce que cela demande de l'énergie et que l'on en sort vidés. La vie n'est pas un.combat , lâchez si vous le pouvez c batailles impossibles.
    Des pensées pour vous <3

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    1. J'ai mis du temps à m'en rendre compte, mais c'est exactement ça : être constamment sur le qui-vive... Je fais en sorte que ça prenne fin.

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  9. Un jour Mafalda demande à sa maman comment on met un sparadraps sur son cœur quand on a des chagrins qui nous sentir tout-petit, Quino ne donne pas la reponse et moi non plus je ne l'ai pas mais je sais que vous êtes grande , très grande et à chaque fois que vous vous sentez petite sachez qu'il y a des gens inconnus (comme moi ) qui pensent à vous , vous encourage ,aime ce que vous faites et ce que vous êtes.
    <3
    (j'habite Marseille, si un jour vous voulez passer....Bienvenue ! )

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    1. Merci beaucoup pour ces gentilles paroles, ça fait vraiment du bien de savoir que quelqu'un nous veut du bien, même si c'est de loin :)

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  10. eh bien eh bien, en voilà une drôle de personne ... malheureusement il y en a un peu partout... j'en ai fais les frais aussi et ça a détruit ma famille... je paie les pots cassés de cette personne qui ressemble un peu pour certaines choses à celle que tu décris...
    ton texte est poignant !!

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    1. Malheureusement, oui, il y a beaucoup de personnes comme ça... Et ce qui est triste, c'est que c'est un cycle, parce qu'une personne abusive qui a des enfants a toutes les chances de les voir devenir de futurs abuseurs eux-mêmes - ou de futures victimes.

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