Depuis quelques jours, un nouveau canapé trône dans mon salon. Il est d'une belle couleur grise, il est confortable, on peut redresser des appuie-têtes pour mieux s'installer quand on regarde la télévision, il est solide et devrait me durer de nombreuses années.
Ça peut paraitre idiot, mais ce nouveau canapé me rend extrêmement heureuse. Pas seulement parce que cela signifie que j'ai ENFIN un peu d'argent à investir dans ce genre de choses. Pas seulement parce que mon fils passait son temps à enlever les coussins de l'ancien, qui de toute façon glissaient dès qu'on s'asseyait dessus. Non. Le sentiment de paix et de bonheur que je ressens à regarder mon canapé est bien plus fort que ça. Ce canapé est tout un symbole.
Il y a un peu plus de 3 ans, un jour de février ou mars, j'ai fait part à mon (désormais ex-) mari de mon envie d'acheter un nouveau canapé. A l'époque, on avait depuis plusieurs années un vieux machin récupéré d'un couple d'amis, qui avait déjà eu une belle et longue vie, commençait sérieusement à montrer des signes de fatigue et n'était plus d'une très grande propreté (ceci est un euphémisme) grâce aux deux petites terreurs qui me servaient d'enfants (depuis, ils ont grandi et sont moins terribles, même s'ils ont toujours parfois les mains grasses que je leur interdis alors formellement de promener près de mon magnifique canapé !).
Ça faisait des mois que je pensais à en acheter un nouveau, laissant l'idée mûrir dans mon esprit, réfléchissant au style qui me plairait le plus et serait le plus pratique. Je regardais parfois les sites de vente de seconde main en espérant trouver la perle rare, un canapé de bonne qualité vendu assez bon marché pour qu'on puisse se le permettre, car nous n'avions pas beaucoup de moyens.
Je peux être très, très patiente pour ce genre de choses. Pour vous dire, j'ai déjà attendu une année entière avant de commander de nouveaux draps de lit. Repérée en solde, elle restait trop chère à ce moment-là et j'avais finalement renoncé à l'acheter, malgré le fait que j'avais continué à voir l'annonce pendant plusieurs mois chaque fois que je prenais mon téléphone (merci Google et les cookies), et que je mourais d'envie de l'avoir. J'avais finalement attendu l'année suivante et une nouvelle promotion sur les mêmes draps pour enfin les acheter.
That's how patient I am.
Il y a 3 ans, donc, ça faisait des mois que je rêvais de ce nouveau canapé. Que je comparais les prix. Que je pesais les options. Que j'attendais que ce soit le bon moment, financièrement parlant.
Un jour, j'en ai parlé à mon mari. On a regardé quelques possibilités sur internet, mais on n'a pas pris de décision.
Le LENDEMAIN soir, quand mon mari est rentré à la maison, il avait deux gros cartons dans le coffre. Il avait passé l'après-midi chez Ikea, sans m'en parler, et avait acheté un des canapés que nous avions vu la veille (ou plus exactement, deux canapés, un petit de deux places et un plus grand de trois places).
Je sais que ça peut paraitre anecdotique, mais pour moi, ça avait été d'une grande violence. En choisissant pour moi, il m'avait privé d'un petit bonheur (j'aime bien le shopping, mais je n'aime pas dépenser d'argent pour rien, alors quand j'ai une bonne raison d'acheter quelque chose, je suis heureuse, je prends mon temps et je savoure le processus), mais il m'avait aussi privée d'une décision importante sur la manière de dépenser notre argent et sur une chose que je verrais tous les jours à la maison...
Bien sûr, j'aurais pu protester. J'aurais pu lui demander de les rapporter et de se faire rembourser. Oui mais voilà, je n'ai pas (n'avais pas ?) ce genre de force. On a donc monté les canapés (oui enfin, surtout moi, c'est moi la bricoleuse de la famille) et on les a installés. Mais très vite, je me suis mise à détester ces canapés trop légers qui se déplaçaient au moindre mouvement, leurs coussins qui glissaient et ne restaient pas en place, les accoudoirs qui sont vite devenus bancals. Je ne m'asseyais pratiquement jamais dessus.
Ils ne me plaisaient pas, mais surtout, surtout, ils me rappelaient ce vol de ma liberté de choix.
Alors, deux ans après avoir réussi à le quitter, quelques mois après avoir enfin trouvé un travail (à peu près) stable, je me suis autorisée à me remettre à rêver d'un autre canapé, plus beau, plus solide, plus confortable, mais surtout, choisi par moi et moi seule.