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Alors Grand Loup, tu veux quoi sur ta tartine ? demandé-je.
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Biduf ! répond-il en pointant du doigt le pot de miel.
« Biduf » fait partie d'un ensemble de quelques mots qu'il a inventés lui-même, qui composent sa nouvelle langue et qu'il utilise à toutes les sauces, même quand on préférerait qu'il utilise des phrases et des mots
« normaux
» à la place ; je veux dire, des mots de notre bon vieux
français.
Pour Grand Loup, en ce moment,
« biduf » désigne un objet quelconque,
« baduf
» désigne quelque chose qu'il adore (comme par exemple, sa
Nintendo Switch), et j'ai oublié la signification de
« gabuche », qu'on entend aussi régulièrement (Ah, ça veut dire
« bulle
», vient de me dire Grand Loup. Allez savoir.). Ah, oui, et
« daduche » veut tout simplement dire
« merde ». Le P'tit Loup, en tant que bon petit frère, se met aussi à utiliser le même vocabulaire.
Autant vous dire qu'on a parfois du mal à se comprendre, et qu'on a droit à des conversations légèrement surréalistes à la maison. Par exemple, un dimanche matin :
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Coucou Grand Loup, tu as bien dormi ?
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Baduf ?
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Non, pas de jeux vidéo avant le déjeuner, tu le sais très bien !
Question invention de langues imaginaires, il n'en est pas à son coup d'essai. Vers 3 ou 4 ans, il avait créé le
« pourititi
», un langage qui contenait au moins une bonne vingtaine de mots, dont il se souvenait et qu'il utilisait toujours pour désigner la même chose - pas comme son petit frère qui lui aussi, invente des mots généralement longs et imprononçables, mais les a déjà oubliés quelques secondes après les avoir dits.
Un exemple notable de mot de pourititi, qui est toujours utilisé par une partie de la famille, est le mot
« mondokène ». Il désigne la poignée du robinet de la terrasse, chez mes parents, qui s'enlève assez facilement (ce qui est très utile, pour empêcher les enfants d'ouvrir le robinet et de s'asperger).
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Mam, tu as mis où le mondokène ?
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Sur le micro-ondes.
Il a aussi créé des phrases entières, comme celle-ci : «
Bin nen preken kese tin dine », qui signifie «
Je ne comprends pas ce que tu dis ». Je vous suggère de bien la retenir, au cas où vous étiez amené à discuter avec mon fils.
Récemment, il a même fait un cours accéléré de pourititi à son petit frère. Voilà le panneau que j'ai retrouvé, scotché sur leur armoire :
Quand j'étais petite, j'avais moi aussi inventé quelques mots, qu'on a utilisé pendant des années, dans ma famille. Il y avait d'abord le
« piroudi », qui désigne une acrobatie que j'adorais faire, enfant : un adulte nous tient par les mains, pendant qu'on grimpe avec ses pieds sur ses genoux, puis sur son torse, jusqu'à faire, toujours tenu par les mains rassurantes, un genre de pirouette en arrière. Un
piroudi, quoi. Et vous connaissez sans doute ces espèces de moustiques géants qu'on voit voleter en été (mais qui ne piquent pas, heureusement), les cousins ? Je les avais baptisé
« lubards ». Eh bien pour mes parents comme pour moi, il est maintenant difficile de les appeler autrement !
J'avais aussi créé le mot
« plasnouiller », qui signifie tout simplement
« embêter ». J'ai très souvent dû demander à ma sœur d'
« arrêter de me plasnouiller ».
Alors bon, autant ça me plasnouille d'entendre mon fils me répondre
« biduf » plutôt que d'utiliser une phrase entière avec des mots précis que je comprends, autant je ne peux pas vraiment lui en vouloir - il a de qui tenir. Et je reconnais toute l'étendue de sa créativité !
Et vous, des petits mots inventés à partager avec moi, les vôtres ou ceux des enfants qui vous entourent ?